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SOMMAIRE
numéro 3
Juillet 1963

manuscrit de Luc Bérimont
présenté par Paul Chaulot
portrait par Michel-François Lavaur
linogravure de Maurice Prado
sur le poème d' Angèle Vannier

poèmes de : Max Alhau, Lucienne Anger Laroche, Pierre Autize,
Raoul Bécousse, Luc Bérimont, Geneviève Dartois, Marcelle Gérard,
Colette Girard, Louis Guillaume, Michel Héroult, Jean. Laroche,
Michel-François Lavaur, Alain Lebeau, Jacques Lepage, Xavier du Longbois, Marjan, Bernard Massénat, James Sacré, Claude Serreau, Raymond Mainard, Fernand Triger, Claude Vaillant

chroniques de Michel-François Lavaur
un jeune peintre Joël DABIN

 

 



linogravure de MFL

LUC BERIMONT ou la fraternité de la nature

A la poésie-méditation Luc Bérimont oppose la poésie-jaillissement. Dans la tradition de Rimbaud, Apollinaire et Eluard, il n'organise pas son poème autour d'une pensée plus ou moins révélatrice d'intentions rationnelles : le gnomisme de Char est aussi éloigné de sa manière que les projets mythiques de Saint-John Perse.

Egalement opposé à un certain courant actuel qui tend à réduire l'acte poétique à un exercice de langage, il n'en témoigne pas moins d'une profonde ferveur pour les mots à partir desquels, bien souvent, se devine le point de départ de l'inspiration : mots concrets exclusivement et désignant presque toujours des éléments naturels ou des objets quotidiens. Il est vrai que la nature forme le soubassement de son lyrisme, une nature sans masque, mouvante, changeante mais éternelle et c'est toujours en ses instants les plus vivants en même temps que les plus fugaces qu'il la saisit : le frémissement d'une branche, la chute d'un fruit, le d éboulé d'un lièvre surpris dans son g îte... Mais il ne s'agit pas pour Bérimont de simples notations nouées à des états d'âmes passagers, ni, mettant à profit ses dons exceptionnels d'imagier, de s'abandonner à l'ivresse du tapissier de haute lice. La pure élégie aussi bien que l'art pour l'art, quoiqu'il y puisse paraître parfois, n'abordent jamais à cette poésie. Luc Bérimont, dussé-je me contredire, en appelle à la nature comme à un objet de méditation. Dans sa multiplicité, il ne cesse d'y découvrir des thèmes de réflexions sur le temps, la mort, la vie, l'amour et cela non peint d'un regard extérieur mais par une profonde communion avec les êtres et les choses, née du sens le plus vif de la fraternité universelle.

On a souvent dit de la poésie de Bérimont qu'elle était juteuse et pleine de sève. Sachons l'aimer aussi pour son immense pouvoir de conjurer les dépravations dont nous menacent les exigences de ce temps.

Paul Chaulot

 

 

Ruisseaux, ruisseaux, coulez en elle
Clés du froid, fondez au soleil
Montez le printemps sur sa bouche
Le bleu cru que chantaient les mouches
Faites le beau fruit s'accomplir
Apprenez sa mort à mourir
Soyez ses reins et ses lingères
Ruisseaux, chevaux blancs des rivières
Entourez son château d'hiver
Livrez l'Inde et le vétiver
Que sa joie se fonde et se noue
Pendant que mon sang se dénoue
Ruisseaux, je vous en fais prière
Par mon amour, par sa colère
Par ce brin d'herbe nouveau-né
Enfant des froids de Février.

Luc BERIMONT

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