Le dernier numéro de Traces est venu spontanément répondre à une attente mais aussi pour permettre à notre père de finir ce travail entrepris, il y a cinquante ans.
Il ne pouvait pas en être autrement.

Durant toute ma vie, j'ai vu mon père dessiner, peindre, sculpter, créer, écouter, lire, et surtout façonner à la main sa chère revue. Rien ne l'a jamais arrêté, ni son métier, ni sa famille, ni la maladie, cette dernière lui laissant même le loisir de continuer son entreprise malgré sa présence physique.

Durant ces cinquante ans, il n'a jamais rien négligé, ni sa famille, ni ses amis de poésie. Traces a perduré. Il travaillait la nuit. Enfant, j’entendais les touches de la machine à écrire à travers le mur de ma chambre. Il emportait partout de petits carnets verts qu’il cachait dans la doublure de sa veste pour écrire un vers s’échappant au cœur des vacances corréziennes. Ses dessins remplissent la maison, tout comme son légendaire fourbi... Qui ose encore s'aventurer au fond de la fourbithèque?

Pourtant la maladie ne lui a pas permis t'atteindre ce numéro anniversaire qu'il souhaitait mettre en œuvre. Si le façonnage manuel lui était impossible, mon ordinateur a su retrouver, je l'espère, l’âme de la revue. Mon père a suivi l'évolution de ce numéro, il en a lu et vérifié chaque texte, sélectionné les illustrations, choisi et apposé sa signature sur chaque vignette, choisi les textes de ses amis disparus. Ce numéro n'est pas exhaustif bien-sûr ! Tous n'ont pas pu participer et nous ne voulions pas que ce numéro soit un épitaphe mais bien le dernier d'une longue série. 

Krystel Lavaur



Quand nous avons lancé un appel à contributions pour ce dernier numéro de Traces, ma mère, ma soeur et moi ne savions pas que nous serions si bien entendues, et surtout que dans les textes, les dessins, affleureraient tant d'affection, de reconnaissance, en même temps que les souvenirs de jeunesse et le merveilleux écho des amitiés qui perdurent.
Nous avons fait de notre mieux pour que grâce à vous ce numéro soit un digne point final à l'aventure de Traces.

Je dois l'avouer, j'ai appris beaucoup de choses en vous lisant, et j'ai constaté que mon père, au fil des ans, avait réussi l'entreprise de transmission envisagée au début lorsqu'il avait donné son titre à sa revue.

Une trace, c'est ce qu'on dépose derrière soi, quelquefois sans le vouloir, et ce que l'autre, qui vient ensuite, trouve, quelquefois par hasard.
Dire aussi l'humain et sa chaleur, dans ces témoignages, souvenirs
et impressions poétiques. 

Merci à vous tous
Pascale Lavau
r

 

 

 

EDITORIAL du numéro 1
janvier 1963


Sans doute vaine est la tentative de soutien d'une revue de poésie. Aussi le luxe ne sera-t-il point le mérite premier de Traces, car la durée est la qualité la plus enviée
en ces sortes d’entreprises.
Faute de fonds, le poète n’étant riche que de rimes, reste le travail. Le directeur de Traces compose, imprime, diffuse lui -même les cahiers. L’impression en est sans richesse, mais n'est-ce point une nécessité en notre ère de science-Minotaure, aux boutons et aux robots-rois, de revenir aux doigts de d'artisan ?
Ainsi consciente de ses possibilités et de ses lacunes, sans envies ni complexes, Traces demeurera. Chaque numéro présentera des textes inédits et authentiques de poètes, des documents tels que des manuscrits et des dessins originaux, certains numérotés et réservés aux abonnements de soutien. Oui, peut- être sans effet immédiat, mais non point inutile. Désormais nous ferons à la poésie la place qui est la sienne, objectivée en des expositions par les arts graphiques et plastiques, sans souci du discrédit que lui conservent les esprits de lisière. MFL
 

EDITORIAL numéro 176
janvier 2013


Ce dernier numéro de Traces a une tonalité particulière. Réalisé pour la première fois avec un ordinateur, il se propose modestement de clore 50 ans d’une production artisanale faite à la main.
En effet, depuis plus d’un an, le poète n’est plus en mesure de composer, coller, façonner, illustrer avec minutie les pages de cette entreprise. Conçue avec une presse scolaire, la revue avait l’ambition simple de promouvoir, en quelques feuillets assemblés, des auteurs de tous horizons.
Un choix personnel aidé par une équipe éditoriale fidèle depuis la première heure (Serreau, Laroche, Lelubre, Lebeau et d’autres) a permis de multiplier les possibilités de publications.
Malgré les écueils de la vie et les disparitions des amis de poésie, Traces a réussi à exister pendant cinquante ans. Restent les textes édités, les auteurs révélés, des centaines d’éditions publiées sous divers formats, les souvenirs de moments partagés dans une longue histoire de poésie et de culture.

Il n’était pas pensable que ce dernier Traces ne fasse pas appel à ceux qui l’ont animé. Pour cela, les filles du poète ont sollicité les souvenirs de chacun. Comme un écho lointain, ce dernier numéro reprend la couverture du premier publié en janvier 1963. Certains auteurs ont choisi le mode épistolaire, d’autres rendent compte de l’histoire de Traces par des textes ou diverses participations en prose ou en vers. Loin de l’anthologie, c’est juste une porte que je referme. MFL

 

Sommaire

Traces 176, Janvier 2013

p.1 : Editorial
p.2 : Sommaire
p.3 à 5 : Claude Serreau, Michel-François Lavaur et la revue Traces
p.6 : Claude Serreau, Martine Morillon-Carreau
p.7 : article de presse
p.8-13 : Claude Serreau, Michel-François Lavaur, le poète
p.14 : Hamid Tibouchi
p.15-16 : Lettre d’Alain Lebeau
p.17-18 : Jacques Souchu
p.19 : Lettre de Jacques Canut
p.20-22 : Georges Cathalo, J’aurais voulu , illus de Gérard Sendrey
p.23 : illus de Jacques Basse
p.24 : Claude Cailleau, Que dire ?
p.25 : Guy Chaty, Odile Caradec
p.26 : Roland Halbert
p.27 : Emmanuel Hiriart
p.28-32: Emmanuel Hiriart, Le Rat de Fourbithèque, accompagné de textes de Michel-François Lavaur, illus de Claudine Goux
p.33 : Michel-François Lavaur, Je vous écris d’Occitanie, illus. K. Lavaur
p.34-36 : Jean-Pierre Thuillat, Deux éditeurs, deux voix(es)
p.37 : Gilles Lades
p.38 : Bernard Le Balvec, accompagné d’un poème de MF Lavaur
p.39 : Jean Dif
p.40-42 : Marine Morillon-Carreau, Honneur à Michel-François Lavaur, facteur-poète !
p.43 : Jean-Marie Gilory, Sur les « Traces »
p.44 : Didier Cléro, Traces
p.45-46 : Lettre de Patrice Angibaud
p.47 : Michel L’Hostis, Michel-François (Portrait à vif)
p.48 : Bernard Picavet
p.49-51 : Lettre de Jean Chatard
p.52 : Michel Baglin, Traces
p.53-54 : Louis Dubost, Entre la Corrèze et le Zambèze : Sanguèze
p. 55-60 : Pascale Lavaur, Le cahier de tex tes, Jean-Pierre Mestas, Il pleut
p.59 : Simonomis, Le Coléoptère , illus de Claudine Goux
p.60 : René Cailletaud
p. 61-62 : Eric Simon
p. 63 : Hugues Pissarro
p.64-65 : Gérard Prémel, L’homme aux mille haïkus
p. 66 : Jean-Claude Coiffard
p.67 : Amédée Guillemot
p.69 : Rüdiger Fischer, traduction de Prince Noir
p.70-72 : Jean-Claude Vallejo, Empreinte de Traces, Moreau du Mans, Eloge du causse
p. 73 : Jean-Claude Touzeil, Moreau du Mans
p.74 : Norbert Lelubre, Robert Momeux
p.75 : Dagadès, Jean Laroche
p.76 : Pascale Lavaur, Michel-François Lavaur

 

 

 

Un texte de Christian Bulting oublié (Mille pardons !) dans le numéro 176

Fraternité

Quand je pense à « Traces » me vient l'expression «  revue ouverte ».
« Traces » a toujours donné la parole à des auteurs débutants, à des voix pas toujours affermies mais en chemin de poésie. Et cela me paraît essentiel pour une revue. Si dans une revue on ne lit que ceux qu'on lit déjà, ailleurs, un peu partout, quel intérêt ? Trop de revues sont fermées, ne fonctionnant qu'à l'intérieur d'un réseau. Rien de tel à « Traces » : un accueil, une bienveillance, une chance donnée. On rencontre dans la revue des poètes de tous les niveaux. On retrouve les très bons poètes de l'équipe autour de Michel-François Lavaur : Jean Laroche, Norbert Lelubre, Claude Serreau, Alain Lebeau. Et ceux qui, au fil du temps, sont venus les accompagner. Sans rivalité. Dans la fraternité de la poésie. Il y a dans « Traces » un climat fraternel qui à mes yeux est inséparable de la poésie. Quand « A contre-silence » , revue que j'ai fondée en 1979, apparut, elle fut aussitôt acceptée, considérée comme une revue amie.

Michel-François Lavaur est quelqu'un qui fait ( il se désigne lui-même comme « facteur »). Gilles Pajot était quelqu'un qui faisait. Yves Artufel ( Gros Textes) l'éditeur de mes plus récents livres de poèmes est aussi quelqu'un qui fabrique ses livres «  dans la cave de Fontfourane » comme il est indiqué dans le colophon des livres qu'il publie. Je m'entends bien avec ces gens-là : ceux qui font. Les faiseurs de discours, les péroreurs, les théoriciens à deux balles, ceux qui savent ce qu'il faut faire et ne le font pas m'ennuient, je passe mon chemin ( je ne parle pas des véritables penseurs, des ouvriers du concept, des philosophes authentiques). Homme à tout faire de la poésie, Lavaur n'est pas un adorateur de la poésie, mais il travaille humblement chaque jour à la mettre en pages, à la diffuser, en un mot à la faire vivre.

Pourtant cet homme-là aurait pu se contenter de son propre travail de poète. S'il est animateur de revues, éditeur, ce n'est pas par défaut, mais par un surcroît d'amour de la poésie. Il lui faut la donner aux autres, la faire partager. Son travail de poète est considérable en quantité comme en qualité. S'il fallait n'en retenir que deux aspects, je mettrais en avant les haïkus et le bestiaire ( Argos). J'ai tendance à me méfier des bestiaires en poésie : peur qu'ils ne tombent dans la niaiserie. Celui de Michel-François Lavaur est d'une variété, d'une intelligence, d'une richesse qui font de sa lecture un grand bonheur. Il ne suffit pas d'aimer les animaux pour réussir un bestiaire.

L'homme aime les animaux, les chiens en particulier. Je me souviens d'un hommage qui lui avait été rendu à Saint Michel chef-chef, à l'invitation de Jean-Noël Guéno, où il était venu avec son chien, celui-ci étant présent pendant les lectures. Je suis allé une seule fois à Sanguèze, et je me rappelle de mon émotion quand Lavaur me fit découvrir sa fourbithèque. Je passai l'après-midi avec un homme chaleureux, modeste, attentif aux autres. Un frère.

Christian Bulting