Logo original créé par Paul Dauce

Publié en janvier 1963, le premier numéro de Traces se propose simple et sélectif, laissant une porte ouverte à la poésie de Jean Laroche et à celle de Jean Bouhier. Ce premier éditorial rend compte des envies et des possibilités de la toute jeune revue. Elaborée dans la souspente de l’ancienne école publique du Pallet, elle est imprimée sur une simple presse Freynet en 250 exemplaires.

Un supplément de 500 exemplaires "Huit poètes nantais", vient compléter la publication. Ce numéro a été composé, tiré (hors couverture) entièrement à la main par Michel-François Lavaur. Le dessin et les textes ont été tracés sur stencil par les auteurs (Lavaur pour le dessin, Laroche pour le texte).Il a été tiré 30 exemplaires numérotés de 1 à 30, sur vélin, réservés aux abonnements de soutien.


EDITORIAL du numéro 1, janvier 1963

Sans doute vaine est la tentative de soutien d'une revue de poésie. Aussi le luxe ne sera-t-il point le mérite premier de Traces, car la durée est la qualité la plus enviée en ces sortes d’entreprises. Faute de fonds, le poète n’étant riche que de rimes, reste le travail. Le directeur de Traces compose, imprime, diffuse lui -même les cahiers. L’impression en est sans richesse, mais n'est-ce point une nécessité en notre ère de science-Minotaure, aux boutons et aux robots-rois, de revenir aux doigts de d'artisan ? Ainsi consciente de ses possibilités et de ses lacunes, sans envies ni complexes, Traces demeurera. Chaque numéro présentera des textes inédits et authentiques de poètes, des documents tels que des manuscrits et des dessins originaux, certains numérotés et réservés aux abonnements de soutien).
Oui, peut- être sans effet immédiat, mais non point inutile. Désormais nous ferons à la poésie la place qui est la sienne, objectivée en des expositions par les arts graphiques et plastiques, sans souci du discrédit que lui conservent les esprits de lisière. MFL

extrait du supplément n°1 Huit poètes nantais

Les numéros de Traces étaient accompagnés d'un "supplément", format léger de quelques feuillets qui permettaient de publier un peu plus de textes.




SOMMAIRE
numéro 1
Janvier 1963

manuscrits
Jean Bouhier
Jean Laroche

dessins
Paul Dauce
Michel-François Lavaur

poèmes
Pierre Autize, Thérèze Abdélaziz,
Jean Bouhier, Jean Braeckman,
Guy Chambelland, Jean Chatard,
Georges Drano, Laurette Dubrul,
Gilles Fournel, Pierre Goujon, Tugdual Kalvez, Magdeleine Labour, Jean Laroche,
Michel-François Lavaur, Nadine Rojinska, Jammes Sacré, Michelle Senlis,
Maurice Simon, Claude Serreau,
Henri Le Viennois

proses
Jean Laroche, Michel-François Lavaur, Norbert Lelubre


Dessin sur stencil de MFL, texte de Jean Laroche

Jean Laroche

Jean Laroche est un poète difficile pour lui-même, lucide et exigeant. C'est aussi un poète qui possède son métier pour l'avoir appris par exercice préalable des moyens classiques. On ne saurait se passer de technique. Si libre soit-il, aucun poème ne peut s'affranchir des nécessités de la mesure et du rythme. Ces qualités de rythme et de mesure aussi bien que les ressources douteuses de toutes sortes, les grosses ficelles à éviter, s'apprennent à école du Classicisme. On ne s'embarque pas pour la poésie sans bagages. Pour avoir sous-estimé cette condition essentielle, beaucoup de poètes aimables ont produit des œuvres dont l'effet demeure en dessous des intentions. Les meilleurs états d'âme peuvent être trahis par le manque de formation ou d’expérience.
Poète plein d’expérience, mais poète exigeant, Jean Laroche n'a que faire d’un divertissement d'esthète. Sa pensée poétique a d’autres mobiles. Je la connais assez pour savoir ce qu'elle représente d’efforts vers la simplicité, le dénuement, au profit de l'émotion directe. Enfin, pour Jean Laroche , le poète est bien le témoin de la condition humaine, de la grande inquiétude moderne faite de révolte et d’espoir, de conflits, de foi et ’incertitudes.
Norbert Lelubre


extrait du numéro 1

Jean Bouhier

Jean Bouhier n'écrit pas pour la musique ; sa poésie est comme l'homme et son bocage natal : franche et directe. Des lecteurs pressés l'ont (justement, mais un peu vite) qualifiée de fraternelle. Encore faut-il préciser qu'elle n'accorde rien (bien au contraire) à un humanisme béat, non plus qu'à la facilité.
Dompter le fleuve
du quotidien implique un effacement total devant la vie, la force de se laisser guider, porter par elle. Et telle est bien la valeur exemplaire de ces poèmes, leur dépouillement, leur densité, leur solidité de Psaumes qui les apparente au grand art de la fugue. Pourquoi ? Parce que l’image toujours juste, insère et fait s'épanouir dans la trame même du texte les manifestations les plus familières (mais les plus essentielles) de l'existence parce que cette démarche assurée, ce rythme sans fioritures, sans concessions affirment avec tranquillité, la réalité et la vérité de la vie : blancheur du pain beauté d'une main tendue, lumière d’un temps partagé. Attentive aux voix amicales venues De mille endroits, l'œuvre de Bouhier marche à l'amble, au rythme tranquille des collines de son terroir et du grand fleuve qui veille à ses horizons.

Jean Laroche

 

 

Que mes doigts cherchent le vent
prennent le pain, choquent les verres
je vis dans les marais, les buissons, les jachères
et tous les horizons rougissent au soleil

que mes yeux se retrouvent
au plus creux des vallées
où chantent les oiseaux

que mes pas sur le sable
signent le lendemain
pour nos villes futures

je vis d'amour et de tendresse
et tous les horizons ont l'aspect de la vie.

Jean Bouhier

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