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Sommaire Traces 29-30
Deuxième trimestre 1970


Extraits de publications :

J.P Besset, Où que nous vivons, tiré de L'homme Nu
Jean Spéranza, La mer, Dans le dos, tiré de Les pierres de la clémence
Norbert Lelubre, Grande ballade, tiré de Ballades
Jean Chatard, fol herbage, L'autre ennui, tiré de Monde rouillé
Dagadès, membrane, tiré de Terre atteinte

Poèmes :
Jean Malrieu, Max-Roger Parent, Robert Besse, Robert Momeux, Alain Barré,
Alain Lebeau, Norbert Lelubre, Michel-François Lavaur

Je dirai l'homme nu.

Combien de noirs
pour une cale pleine
et de vaisseaux
pour un perron de négrier ?

Je dirai l'homme nu
et noir parmi les blancs
ou l'inverse
toujours de sang rouge.

On ne voit pas
sur les livres d'histoire
le front lauré de l’enrôlé de force
égorgé déserteur pour refus d'invasion.

Je dirai l'homme nu
plus conscient que dévot
et responsable
plus que nationaliste.

Qui trouvera
sur les parois des mausolées
traces
du sang des terrassiers morts sous le fouet?

Je dirai l'homme nu
sans galons ni médailles
sans couronne
et sans épitaphe.

michel-françois lavaur
(extrait du second recueil de Michel-François Lavaur, Petite geste pour un homme nu




ROBERT BESSE

Mhy Song
Celle qui riait
des enfants jouent dans son sourire
avec de lourds insectes meurtriers
Celle qui se coiffait
de lourdes bombes coulent de ses
cheveux
Celui qui se penchait
l'espoir é tait dans la rizière
des hommes bardés de fer remontent
l’eau sous le couvert des fleurs
des hommes bardés de fer nagent à
sa rencontre

Ceux qui rêvaient
Ceux qui marchaient dans les rues
Ceux qui levaient les yeux vers le ciel

Les rues le ciel sont envahis
d'hommes casqu é s de casques verts
Soleil parcimonieux de l'acier

Des hommes toujours les mêmes aujourd'hui
comme hier
les fous rêvent patiemment parmi nous

Aujourd'hui comme hier
Tant que nous aurons la force de crier
Pour un sourire figé sur les nacres
des laques

Guernica Oradour Mhy Song
Guernica Oradour Mhy Song
Ceux qui vivaient
Ceux qui vivaient hier.

 


Quand les vieilles filles sont mortes

Quand les vieilles filles sont mortes
On trouve dans leur chambre
Qui est toujours perchée très haut
De vieux livres comme on n'en lit plus
Des romans d'amour d'il y a longtemps avec
Des fleurs s é ch é es entre les pages
Un grand papillon de papier fin
En latin « MORPHO CYPRIS » c'est écrit en bas à droite
Et aussi des lettres qu'on n'ose pas lire
Elles sont serr é es par un ruban
Rosé dans un tiroir avec une poupée qui est mutilée
Et puis un gant qui a jauni
De rester seul
Et la photographie d'un petit neveu
Souriant et timide et celles
De personnes qu'on ne connaît pas sur l une
La tête d'un homme a été découpée
Avec grand soin
Dans un meuble il y a des verres de toutes les couleurs
Et une timbale de vermeil avec des bosses
Cela sent la poussière et la colle vieillie
On trouve aussi un petit arrosoir sur la fenêtre
Et derrière la porte une canne qui est presque neuve et cela
Est plus mélancolique et doux
Que la mort même

Robert Momeux

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